Publié le 26 mars 2013 à  2h00 - DerniÚre mise à  jour le 27 octobre 2022 à  16h13
Une délégation du conseil municipal interpellera Jean-Marc Ayrault
Sur proposition du Premier adjoint au maire, Roland Blum (UMP), le conseil municipal de Marseille a adoptĂ© ce lundi 25 mars Ă lâunanimitĂ© le principe dâinterpeller lâEtat sur le dossier de la SNCM. Une dĂ©lĂ©gation comprenant un Ă©lu de chaque groupe devrait se rendre prochainement Ă Matignon.
Premier adjoint au maire de Marseille, Roland Blum (UMP) a profitĂ© de la prĂ©sentation des rapports Ă©conomiques pour Ă©voquer le cas de la SNCM. Car lâavenir de lâentreprise, dont la privatisation a Ă©tĂ© actĂ©e en septembre 2005 avant dâĂȘtre effective en 2006, lâinquiĂšte particuliĂšrement et ce sur trois points. Tout dâabord, au niveau de la restructuration de son capital. AprĂšs avoir Ă©tĂ© une compagnie 100% publique de sa crĂ©ation en 1976 Ă sa privatisation 30 ans plus tard, la SNCM Ă©tait dĂ©tenue en 2006 Ă 38% par le fonds dâinvestissement Butler Capital Partners, 28% par la Connex, la filiale transport du groupe VĂ©olia appelĂ©e Ă ĂȘtre lâopĂ©rateur industriel, 25% par lâEtat, qui conservait une part minoritaire dans lâentreprise, et 9% par les salariĂ©s. Si la premiĂšre intention du gouvernement de lâĂ©poque, dirigĂ© par Dominique de Villepin, avait Ă©tĂ© de se dĂ©sengager intĂ©gralement de la compagnie, un nouveau projet avait Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© suite Ă un mouvement de grĂšve dĂ©clenchĂ©, en septembre 2005, par les salariĂ©s de la sociĂ©tĂ© nationale. Mais Roland Blum lâaffirme : « Jean-Claude Gaudin avait rĂ©ussi Ă imposer une participation de lâEtat au capital Ă 25% ». La Connex deviendra rapidement, dĂšs fin 2005, VĂ©olia Transport, puis VĂ©oliaTransdev en mars 2011, aprĂšs la fusion de VĂ©olia Transport avec Transdev, filiale de la Caisse des dĂ©pĂŽts et consignations (CDC). Ce qui donnera alors naissance au premier opĂ©rateur privĂ© de transport public dans le monde.
Or, suite au dĂ©part en novembre 2008 de Butler Capital Partners qui avait cĂ©dĂ© ses parts Ă VĂ©olia Transport, VĂ©olia Transdev est dĂ©sormais lâactionnaire majoritaire de la compagnie maritime Ă hauteur de 66%, lâEtat et les salariĂ©s complĂ©tant le capital dans les mĂȘmes proportions quâen 2006. Roland Blum souligne ainsi que si lâon ajoute les 25% dĂ©tenus directement par lâEtat et la moitiĂ© de la part de VĂ©olia Transdev, câest-Ă -dire 33%, qui est dĂ©tenue par la CDC, filiale de lâEtat, ce dernier est « dĂ©sormais majoritaire dans la SNCM ». « Or lâEtat, avec la complicitĂ© du gouvernement, prĂ©pare une manipulation inacceptable », accuse-t-il. Dans sa ligne de mire figure la vente du pĂŽle transport du groupe VĂ©olia, la maison mĂšre VĂ©olia Environnement souhaitant se recentrer sur les mĂ©tiers de lâeau. Or, dans ce cadre, « il y aurait transfert de toute lâactivitĂ© transport de VĂ©olia Transdev, sauf de la SNCM dont lâactivitĂ© serait rĂ©cupĂ©rĂ©e par VĂ©olia Environnement, qui est spĂ©cialisĂ©e dans lâeau et les dĂ©chets et pas dans le transport maritime », dĂ©nonce-t-il. Et le Premier adjoint au maire de Marseille dâinsister sur la nĂ©cessitĂ© dâ« interpeller lâEtat pour que la SNCM soit transfĂ©rĂ©e dans VĂ©olia Transdev » qui deviendrait Ă 100% une filiale de la CDC, elle-mĂȘme filiale de lâEtat.
« Une subvention réduite de façon drastique »
Le deuxiĂšme sujet dâinquiĂ©tude touche au renouvellement de la DĂ©lĂ©gation de Service Public (DSP) pour la pĂ©riode 2014-2023, sur laquelle les Ă©lus de la CollectivitĂ© territoriale de Corse (CTC) doivent se prononcer fin avril. Or, mĂȘme si le duo de dĂ©lĂ©gataires actuel, SNCM et CMN (MĂ©ridionale) qui ont Ă©tĂ© choisis pour la pĂ©riode 2007-2013, Ă©tait reconduit, le pĂ©rimĂštre de la future DSP a dâores et dĂ©jĂ Ă©tĂ© rĂ©duit. « LâEtat verse Ă la CTC une dotation de 194 M⏠pour les transports, maritime et aĂ©rien. La SNCM perçoit ainsi une subvention de 104 MâŹ, 70 M⏠pour le service de base et 34 M⏠pour le service complĂ©mentaire. Dans ce cadre, la DSP est assurĂ©e par neuf navires. Or, la future DSP impose de nouvelles conditions, avec une subvention rĂ©duite de façon drastique Ă 70 M⏠pour lâensemble du service, qui ne serait plus effectuĂ© que par sept cargos mixte, car la nouvelle DSP privilĂ©gie le fret sur le passager », relĂšve Roland Blum. Ainsi, si le Premier adjoint au maire de Marseille « nâose pas imaginer que ce nouveau groupement ne soit pas reconduit », il nâen observe pas moins que « les consĂ©quences Ă©conomiques et sociales sont dĂ©jĂ graves ». « Quel sera lâavenir des 600 marins qui ne sont plus dans la DSP ? », sâinterroge-t-il Ă haute voix.
Enfin, une troisiĂšme Ă©pĂ©e de DamoclĂšs, financiĂšre cette fois-ci, pĂšse sur lâavenir de la SNCM. En septembre, suite Ă une plainte de Corsica Ferries, la justice europĂ©enne a remis en cause plusieurs aides de lâEtat versĂ©es Ă la SNCM pour un montant avoisinant les 200 MâŹ. Cette affaire, dont lâappel est en cours, pourrait ainsi amener la justice europĂ©enne Ă exiger le remboursement de ces sommes si elle estimait, de maniĂšre dĂ©finitive, quâelles avaient Ă©tĂ© illĂ©galement versĂ©es. Ce qui serait un nouvel Ă©cueil pour la SNCM dĂ©jĂ confrontĂ©e Ă des pertes financiĂšres.
Autant dâincertitudes qui conduisent Roland Blum Ă en appeler Ă lâEtat. « Ce gouvernement, Ă coup de belles dĂ©clarations, dit quâil va aider Marseille. Mais ils arrivent avec de lâesbroufe et les poches vides : 30 Mds⏠pour Paris contre quelques policiers supplĂ©mentaires », dĂ©nonce le Premier adjoint au maire. Avant dâenchaĂźner : « Si lâEtat nâaide pas, sâil nâa pas de projet, câest quâil est amnĂ©sique » avant de citer « la L2, les 28 M⏠pour le stade que nous attendons toujours » ou encore la ministre dĂ©lĂ©guĂ©e aux Personnes handicapĂ©es et Ă la Lutte contre lâexclusion, Marie-Arlette Carlotti, « pas capable dâune rĂ©action sur la clinique Beauregard ». Et de demander que soit adoptĂ© le principe quâune dĂ©lĂ©gation aille rencontrer le Premier ministre afin « de sauver cette entreprise ».
« Nous nâallons pas nous priver des soutiens dâoĂč quâils viennent »
Concernant le positionnement de la SNCM au sein du groupe VĂ©olia, Christophe Masse (PS) abonde dans le sens dâ« un engagement fort et majeur afin que lâEtat puisse monter au capital de la SNCM ». Le prĂ©sident du groupe « Faire gagner Marseille » prĂ©cise Ă©galement que « nous souhaitons tous que la SNCM remporte la DSP ». Mais tout en pointant « la concurrence forcĂ©ment dĂ©loyale, illĂ©gitime de Corsica Ferries », il en appelle à « lâhonnĂȘtetĂ© intellectuelle » eu Ă©gard Ă la justice europĂ©enne. « MĂȘme si lâEtat voulait mettre au pot, il ne le pourrait pas. Il faut quâon se le dise. Alors soyons du cĂŽtĂ© du ministre des Transports pour faire Ă©voluer cette rĂ©glementation. Des milliers dâemplois directs et des dizaines de milliers dâemplois indirects sont en jeu », relĂšve-t-il. Et Christophe Masse de prĂ©ciser quâil accepte la proposition de Roland Blum car il soutiendra « tout ce qui sera fait dans le cadre du maintien des emplois directs et indirects sur Marseille ».
Plus ironique, Jean-Marc Coppola (groupe Communiste, RĂ©publicain et Citoyen) lance Ă lâadresse de Jean-Claude Gaudin : « Vous jouez Ă fond votre carte dâopposition politique ce qui conduit Ă des situations cocasses par rapport Ă ce que vous dĂ©fendez habituellement. Mais nous nâallons pas nous priver de soutiens dâoĂč quâils viennent. » Et lâĂ©lu communiste dâassĂ©ner toujours en direction du maire de Marseille : « En 2006, qui a permis la privatisation de la SNCM ? Nous ne vous avons pas attendu pour interpeller le gouvernement ! Sâil nâagit pas, ce sera le plan de licenciement le plus important – 3 000 personnes – de notre pays. Mais de grĂące, nâapparaissez pas comme nâayant aucune responsabilitĂ©. La politique a besoin de cohĂ©rence. Nous, les communistes, nous lâavons. » Tout en prĂ©cisant acquiescer Ă la proposition de Roland Blum : « Dâaccord pour le faire si ça fait avancer les choses ».
« Le Premier ministre était presque décidé »
Une ambiguĂŻtĂ© de la majoritĂ© municipale sur ce dossier que relĂšve aussi Karim ZĂ©ribi (EELV), qui siĂšge Ă©galement au Parlement europĂ©en. « Jâassiste aux dĂ©bats sur les services et il est surprenant dâentendre ici un discours de prĂ©servation de la SNCM et du cĂŽtĂ© de Bruxelles, un discours qui va dans le sens de la dĂ©rĂšglementation. Il faut avoir un souci de cohĂ©rence. Cela touche au dumping social : la SNCM ne pourra pas lutter tant quâon nâaura pas une harmonisation. En Ă©vitant le syndrome du dualisme. Il faut avoir ici et Ă Bruxelles le mĂȘme discours : ce nâest pas le cas », juge Karim ZĂ©ribi.
Jean-Claude Gaudin conteste pour sa part la version des faits prĂ©sentĂ©e par Jean-Marc Coppola concernant le rĂŽle quâil a jouĂ© en 2006. « JâĂ©tais un matin Ă Matignon. Il y avait un amoncellement de grĂšves, des pertes de subventions : il Ă©tait question que la SNCM dĂ©pose le bilan. Et jâai eu lâoccasion de dire au Premier ministre, avec qui jâavais les relations que vous avez aujourdâhui avec les membres du gouvernement, que ce serait catastrophique pour Marseille », se souvient-il. Et se remĂ©morant que « le Premier ministre Ă©tait presque dĂ©cidĂ© », il Ă©voque le coup de tĂ©lĂ©phone que lui a passĂ© un matin Dominique de Villepin : « « Jâai entendu : on ne peut pas passer de 100% de lâEtat Ă un dĂ©pĂŽt de bilan », mâa-t-il dit », raconte Jean-Claude Gaudin.
Le maire de Marseille insiste : « Devant la gravitĂ© de la situation, je propose que nous allions devant le Premier ministre. Si vous voulez lâantĂ©rioritĂ© M. Coppola, dâaccord. Mais ce nâest que la moitiĂ© du discours. La SNCM avait accumulĂ© des difficultĂ©s, ce qui fait quâelle nâĂ©tait plus rentable. »
Le principe ayant été adopté, la délégation devrait comprendre un représentant de chaque groupe du conseil municipal.
Serge PAYRAU