Suffit-il de changer de costume et de tailler sa barbe pour devenir fréquentable ? C’est la question que l’on peut se poser avec l’invitation à l’Élysée du nouveau maître de la Syrie, le djihadiste Ahmed al-Charaa, alias Abou Mohammed al-Joulani. Boualem Sansal accueilli par le Président Macron aurait envoyé un tout autre message. L’un est en prison en Algérie car ses écrits dérangent. L’autre a pris le pouvoir par la force en Syrie.
Sansal, l’érudit, lutte avec sa seule plume contre l’extrémisme, même au péril de sa vie. Alors qu’al-Charaa, le djihadiste, impose d’une main de fer son règne despotique.
Boualem Sansal se met en danger pour défendre la Liberté, premier mot de notre devise nationale. Ahmed al-Charaa terrorise tous ceux qui ne se soumettent pas à sa tyrannie. Pourtant, c’est celui qui a troqué le temps d’une photo la kalachnikov pour un costume cravate qui sera reçu en grande pompe à l’Élysée.
Alors que le héros, le porteur de valeurs universelles, continuera à croupir dans sa geôle, dans les salons feutrés, sous les ors de la République, les cris des victimes de la cruelle répression seront bien étouffés. Dans le grand livre du Palais apparaîtra en lettres d’or le nom de guerre, Abou Mohammed al-Joulani. Alors que le sang des alaouites, des chrétiens, des kurdes et des druzes n’aura pas encore eu le temps de sécher. Pour une invitation, combien de fantômes ?
En ne mettant pas tout notre zèle pour libérer un témoin et une conscience, ce sont tous les écrivains et les vrais résistants que l’on musèle !
En recevant, le porte-drapeau de ceux qui ont meurtri notre pays par de lâches attentats ou des décapitations, comment pourrons-nous demain nous opposer à ceux qui sur notre sol veulent nous imposer le combat de l’intolérance, du fanatisme islamiste et du séparatisme ?
Quelle image donne la France, pays des droits de l’homme et des lumières, aux autres nations ? Qui foulera demain le chemin de l’Élysée et quel en sera le sens après cette visite ?
Donner une telle tribune, c’est offrir à un dictateur de la pire espèce, une reconnaissance inespérée, sans rien en retour, hormis de veines promesses. Comme aux heures les plus sombres de l’histoire, la postérité retiendra : plutôt que protéger la civilisation, c’est la barbarie qui a été conviée !
