Publié le 8 novembre 2017 à 23h03 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 17h46
Pour bien apprécier cette œuvre, nous confiait un ami d’origine argentine, il faut être de là-bas. Une heure trente d’un spectacle ébouriffé et ébouriffant, grossier et dramatiquement burlesque, onirique et scatologique. Alors oui, on ne va pas à ce spectacle sans mettre de côté sa bonne éducation et sa morale judéo-chrétienne latente. Parce que la production vaut le déplacement. La mise en scène de Lavelli, qui avait déjà travaillé sur l’œuvre au théâtre, est remarquablement intelligente. De la forêt tropicale à la salle de tango, il installe des ambiances exceptionnelles, jouant avec le mouvement de décors minimalistes. Il installe chaque personnage dans son caractère et leur fait vivre des relations avec une aisance remarquable. Terriblement difficile pour les voix, la partition de Martin Matalon est riche et foisonnante, solidement construite, elle aussi, pour donner toute leur puissance aux ambiances qui se succèdent. Au pupitre, le maestro catalan Ernest Martinez Izquierdo livre une lecture attentionnée et puissante, tout en restant sensible, de cette partition à la tête d’un orchestre de l’Opéra répondant parfaitement aux ordres. Pour servir le théâtre et le chant, la distribution ne manque ni de présence, ni de talent. A commencer par Estelle Poscio, China, et Sarah Laulan, Mechita. Les deux sont scéniquement omniprésentes et affrontent sans coup férir la complexité de la partition. Thibault Desplantes campe un Venceslao imposant et brutal, mais aussi terriblement humain; ses derniers airs sont émouvants. Ziad Nehme est un idéal Rogelio et Mathieu Gardon un Largui parfaitement désenchanté. Idéal danseur de tango, Jorge Rodriguez, Coco Pellegrini, séduit dans son rôle de maquereau, Germain Nayl, Gueule de rat (le cheval) et Israël Ruggiero, le singe, convaincants dans leurs rôles animaliers. Il faut croire que cette production n’a pas tant choqué que ça puisqu’elle a, finalement, obtenu un beau succès mérité mardi soir. Et c’est tant mieux !
Michel EGEA