Alfred de Montesquiou présent au récent Festival de Fuveau publie la BD «Moi, Jules César » et « Le crépuscule des hommes » roman sélectionné pour le prix Goncourt qui raconte le procès de Nuremberg au travers la vie de ceux qui y assistèrent.

Vertigineux ! Tel est l’adjectif qui convient le mieux pour définir les deux ouvrages que l’écrivain français Alfred de Montesquiou vient de publier coup sur coup, et dont il nous a longuement parlé lors du dernier Festival de Fuveau où il était invité. L’auteur, grand reporter, essayiste et réalisateur qui a reçu le prix Albert-Londres en 2012 , a pour écrire son « Moi, Jules César » interrogé les plus éminents spécialistes de l’empereur romain. 32 historiens, chacun spécialiste d’une des périodes de la vie de César, ont permis une prouesse : écrire une bande dessinée exclusivement à partir de faits historiques avérés. Le lecteur trouvera en fin d’ouvrage les sources qui se rapportent à chaque page, qu’il s’agisse d’écrits de contemporains ou des recherches les plus récentes. Près de 300 notes complètent la bande dessinée qui bénéficie du travail quasi pictural de Névil, artiste dessinateur très rigoureux et inventif ayant réalisé notamment les storyboards de la série « Jules » (dix épisodes de 26 minutes disponibles sur MyCanal) que l’on doit à l’écrivain Alfred de Montesquiou.
César, l’homme derrière le mythe
Comment César -qui était parvenu à vaincre tous ses ennemis- a t-il pu finir assassiné par ses amis dont son fils fut le bras armé? Cet étrange paradoxe l’ouvrage l’analyse et raconte Jules derrière César, l’homme derrière le mythe, qui, intraitable sur le champ de bataille, comme dans l’arène politique se découvre capable d’une clémence inattendue, ou amoureux transi. Trois ans d’enquête au total s’étant déroulée sur trois continents dans seize pays, sur les lieux mêmes de grands faits d’armes de César et parmi ces lieux figurent nombre de villes françaises qui ont été des étapes importantes de la conquête des Gaules. Ce roman vrai en forme de BD d’un orphelin chétif qui va s’imposer à la tête de l’Empire romain nous fascine d‘autant plus que nous entendons ici la propre voix de Jules César, qui narrateur de sa propre histoire relate ses humiliations, ses victoires, ses coups d’audace, ses adversaires, « ses amours, ses amis, ses emmerdes », ses accès de folie, dans un style flamboyant bien à l’image de son courage intrépide.
Le roman de Nuremberg ou la vie de ceux qui assistèrent au procès du siècle
Ecrivain généreux, précis et sincère Alfred de Montesquiou nous avait déjà bouleversés avec « L’étoile des frontières » (éditions Stock) un roman évoquant l’amitié d’Olivier Méri, (photographe un peu paumé débarqué à Beyrouth) avec Axel Monvoisin, grand reporter qui négocie sa prochaine mission. Racontant un ailleurs fascinant avec comme autres personnages centraux Farid, un jeune Toulousain qui se radicalise et Nejma sa compagne, qui croiseront leur route, cette épopée contemporaine est de fait un hommage vibrant d’Alfred de Montesquiou à Rémi Ochlik, son frère de reportage tué par les autorités syriennes lors de la guerre civile.
La grande Histoire se mêlant aux destins individuels, voilà une des marques de fabrique de l’écriture romanesque d’Alfred de Montesquiou. Comme l’atteste « Le crépuscule des hommes » qui s’impose comme le roman vrai de Nuremberg par la vie de ceux qui assistèrent au procès du siècle. Ils ont comme nom Joseph Kessel, Elsa Triolet, John Dos Passos, ou encore Matha Gellhorn, célèbre correspondante de guerre américaine, qui fut brièvement mariée de manière mouvementée à Ernest Hemingway. Cela donne un roman séquencé avec une seule histoire traversante, celle de Ray D’Addario (1920-2011) photographe américain qui vivra une idylle avec l’interprète Margarete Borufka, (1918-2013) dont il adoptera une fille avant que d’être le père de la seconde née en 1952. Ce procès qui fit l’Histoire, ceux-là en vécurent avec fièvre les dix mois pendant lesquels oeuvra la justice.
Ressuscitant hommes et femmes de l’ombre, témoins de la description judiciaire de l’horreur absolue, l’auteur n’en oublie aucun élément, et surtout pas les exécutions et ces corps brûlés pour que ne subsiste aucune trace des bourreaux condamnés. Comment certains de ces criminels de guerre tels que Walther Funk (1890-1960), banquier du Reich, Hans Fritzsche (1900-1953) ministre adjoint de la propagande, ou Rudolf Hess (1894-1987) échappèrent-ils à la peine capitale ? L’écrivain en donne des raisons qui glacent d’effroi. « Le crépuscule des hommes » enrichi à la fin de notices biographiques sur tous les personnages cités, auxquelles s’ajoute une bibliographie d’ouvrages sur Nuremberg, la Shoah, Yalta, le droit pénal international, la conception soviétique du droit, ou l’Allemagne nazie et la guerre froide demeure tout simplement un document exceptionnel de densité, d’intelligence et se lit sur le fond comme un thriller digne des grandes fictions de John Le Carré, ou Philip Kerr. L’écriture se range quant à elle du côté des ouvrages de Joseph Kessel qu’Alfred de Montesquiou admire tant, et dont il est de fait un des brillants héritiers journalistiques et romanesques.
Jean-Rémi BARLAND
Alfred de Montesquiou : « Moi, Jules César » (BD avec dessins de Névil). Allary Editions – 256 pages- 28 €. « Le crépuscule des hommes » Laffont – 382 pages – 22 €.